Le vent hurlait, charriant des cendres et des murmures oubliés. Clara et Thomas se tenaient devant l'entrée béante de l'Épine-Mère, une faille gigantesque s'enfonçant dans les entrailles de la terre. Des racines noires, semblables à des veines corrompues, serpentaient autour de l'ouverture, pulsant d'une lueur rougeâtre.
L'Épine-Mère se dresse devant eux. Un monolithe végétal, tordu par les siècles et les échos d'une vie oubliée. Ses racines enchevêtrées forment des arches noires, béantes, comme les gueules de créatures prêtes à engloutir le monde. Le ciel, désormais saturé de pourpre et de noir, gronde au rythme du Néon. Clara et Thomas marchent sans un mot, appuyés l'un contre l'autre, portés par une volonté plus forte que la peur.
À l'entrée de l'Épine-Mère, l'air vibre. Des murmures, d'abord indistincts, prennent forme dans leurs têtes, chuchotant des souvenirs qu'ils n'ont jamais vécus.
Clara (hésitante) : Il sait qu'on est là.
Thomas (voix grave) : Il attendait ce moment. Depuis le début.
Ils pénètrent dans l'antre.
À l'intérieur, la lumière naturelle disparaît. Des lianes luminescentes serpentent le plafond, palpitant comme des veines. Les murs, faits d'écorces vivantes, semblent respirer. Chaque pas résonne dans un silence surnaturel, brisé seulement par le martèlement de leurs cœurs.
Au centre de la clairière intérieure, une forme se tient là. Une silhouette humaine, haute, drapée de racines, les bras écartés comme pour embrasser le monde. Son visage est partiellement masqué par une fleur noire, et ses yeux luisent d'un blanc spectral. Le porteur.
Mais ce n'est plus un humain.
C'est l'Autre.
L'Autre (voix sans bouche) : Enfin.
Clara (tremble) : C'est toi… depuis le début.
L'Autre (doucement) : Je suis ce que vous avez nourri. Par vos peurs. Par vos choix. Par vos sacrifices. Je suis la conséquence.
Thomas serre les poings. Malgré ses blessures, il avance. Le sol sous ses pieds vibre de pouvoir. Son ombre semble se distordre, reflétant les flammes intérieures.
Thomas (calme terrible) : Et on va t'arracher de ce monde.
L'Autre penche légèrement la tête. Les racines autour de lui frémissent. Puis, d'un seul geste, il frappe le sol du talon.
La terre s'ouvre.
Des lianes acérées jaillissent, se ruant vers Clara et Thomas. Thomas réagit en premier :
Thomas (criant) : Plonge !
Ils roulent chacun de leur côté. Une racine fend l'air où se trouvait la tête de Clara une seconde plus tôt. Elle se relève en un bond, et une sphère d'énergie bleue éclate dans sa paume, tranchant les lianes qui tentent de la ligoter.
Clara (concentration) : Il contrôle tout l'environnement. C'est une extension de lui-même !
Thomas (haletant) : Alors on l'arrache à ses racines.
Il bondit. Ses poings s'enflamment, son énergie fusionne avec celle du Néon encore logée en lui. Il frappe une première liane, qui explose. Une deuxième vient, il esquive, se propulse en l'air, créant un halo d'énergie autour de lui. Il hurle en frappant le sol, déclenchant une onde de choc circulaire.
L'Autre recule à peine.
L'Autre (moqueur) : De la force brute. Pathétique.
Clara se place derrière Thomas, dessinant dans l'air des glyphes avec ses doigts. Une barrière hexagonale apparaît devant eux, absorbant un assaut de racines qui se brisent en mille éclats sombres. Elle crie :
Clara (stratégique) : Il faut l'isoler du cœur de l'arbre ! C'est là que sa conscience réside !
Thomas acquiesce, et fonce droit vers le centre, esquivant les attaques comme un danseur de guerre. Clara le suit, lançant des vagues d'énergie glaciale pour geler les racines au sol.
Mais alors que Thomas s'approche, une colonne de racines se dresse brusquement, le frappant de plein fouet. Il vole en arrière, s'écrase contre une paroi d'écorce vivante. Il crache du sang.
Clara (hurle) : Thomas !
Elle tend la main vers lui, mais une main griffue surgit du sol et l'agrippe à la cheville. L'Autre s'est dédoublé. Une silhouette semblable, faite d'ombres liquides, surgit derrière elle.
Clara se retourne juste à temps pour interposer une barrière magique. L'ombre frappe, mais la protection tient. Elle recule, dresse ses deux bras et déchaîne un torrent de lumière pure. L'ombre hurle, se désagrégeant, mais pas totalement.
Clara (à elle-même) : Ce n'est pas une illusion… C'est un fragment de lui…
Pendant ce temps, Thomas se redresse difficilement. Une liane lui a fracturé une côte, mais son regard brûle plus que jamais. Il rassemble son énergie, la condense dans ses deux mains, puis projette un rayon concentré vers le cœur de l'Épine-Mère.
Le rayon frappe la structure vivante.
Le monde tremble.
L'Autre (voix brisée) : NON.
Une partie de l'écorce éclate, révélant un noyau rouge pulsant. Clara voit sa chance.
Clara (hurle) : MAINTENANT !
Elle se téléporte juste devant le noyau, joint ses mains, et forme un double sceau d'ancrage. Les racines autour d'elle se mettent à hurler comme des bêtes blessées. Elle pose les deux mains sur le noyau.
Clara (incantation) : Que ce monde se referme ! Que la fracture soit scellée !
Mais une main l'attrape violemment par le cou.
L'Autre (furieux) : Tu crois me bannir ? JE SUIS EN TOI !
Clara suffoque, suspendue dans les airs. Ses pieds battent dans le vide. Le corps du porteur tremble, des veines noires remontent jusqu'à son crâne. Il brûle d'un feu ancien, prêt à éclater.
Thomas, hurlant, se jette sur lui.
Le choc est titanesque. Son poing percute le torse de l'Autre, déclenchant une explosion d'énergie pure. Clara est projetée contre un mur. L'Autre chute à genoux, mais se relève aussitôt. Ses bras se déploient, formant des ailes de racines. Il se jette sur Thomas.
Le combat s'enchaîne en une danse de coups, de feu et d'ombre. Thomas frappe avec la rage des survivants, l'Autre réplique avec la froideur des anciens dieux. Chaque coup porte un fragment d'histoire, un cri, une perte. Leurs silhouettes deviennent floues sous la violence de l'affrontement.
Clara rampe jusqu'au noyau. Blessée, la vision brouillée. Elle voit le cœur, toujours ouvert. Faible. Mais vulnérable.
Clara (faiblement) : Si je le scelle… il ne reviendra plus.
Elle rassemble son énergie. Une dernière fois. Elle pense à Thomas, à Lucien, à Élise, à tous les morts. À tout ce qui a été perdu.
Puis elle plante ses deux mains dans la chair du monde.
Clara (hurle) : AU NOM DE CEUX QUI RESTENT !
Une lumière d'un blanc aveuglant envahit la salle.
L'Autre sent le lien se rompre. Il hurle, tente de s'élancer, mais Thomas lui saute dessus, le plaque au sol. Ils roulent, luttent, l'Autre tente de lui arracher les yeux, Thomas le frappe au visage encore et encore.
Thomas (criant) : C'est fini ! TU NOUS LAISSES EN PAIX !
Clara s'effondre, vidée, mais vivante. Le noyau se referme. L'Épine-Mère tremble, ses parois s'effritent. Une onde de choc parcourt le sol. L'Autre perd l'équilibre. Thomas bondit, lève les deux bras, concentre le reste de son énergie en un unique point.
Thomas (hurlement final) : POUR TOUS CEUX QUI SONT TOMBÉS !
Il frappe.
L'impact est absolu.
L'Autre se fige.
Ses racines éclatent, son corps se disloque en fragments de ténèbres. Un cri déchire la grotte. Puis plus rien. Juste le silence. Le vrai.
Clara ouvre les yeux. Thomas est agenouillé, le corps en sang, mais debout. Il fixe le vide où l'Autre se tenait.
Ils sont seuls.
Clara (faiblement) : C'est… terminé ?
Thomas (essoufflé) : Pour lui… oui.
L'Épine-Mère s'effondre. Ils courent. Boitent, tombent, se relèvent, s'agrippent. Ils sortent juste à temps. Derrière eux, l'arbre millénaire s'effondre dans une explosion de lumière. Le ciel, un instant, redevient bleu.
Clara tombe à genoux. Thomas la rejoint, pose sa main sur son épaule.
Clara (sanglots) : On a réussi.
Thomas (voix basse) : Et on est encore là.
Mais au loin, une explosion d'énergie fait trembler l'air.
Le sol vibre, un frisson parcourt l'échine de chacun.
Et, dans un silence brisé par la stupeur, ils découvrent l'horreur : l'Autre est encore en vie.
Son visage, à moitié arraché, se régénère lentement, dans une spirale de chair tordue. Ses yeux, désormais noirs comme un abîme sans fond, se braquent sur eux.
Sans prévenir, il lève le bras. Une détonation d'énergie pure jaillit de son corps dans un hurlement démentiel.
La vague balaye la zone, déracine les arbres, soulève la terre, et projette nos héros comme de simples feuilles emportées par la tempête.
Un silence pesant s'installe… jusqu'à ce qu'un rire déchirant et sarcastique perce l'air, tordu, instable, presque inhumain.
L'Autre, le corps encore fumant, s'avance lentement, la voix chargée de mépris.
L'Autre (sardonique) :
« Vous pensiez… que c'était fini ? Que votre pathétique lumière avait suffi à m'effacer ? »
Il penche légèrement la tête, un sourire tordu aux lèvres.
« Regardez-vous… brisés, tremblants. J'aurais presque pitié. Presque. »
Il écarte les bras, les ténèbres palpitent autour de lui.
« Je suis l'écho de votre faiblesse. La preuve vivante… que rien ne meurt vraiment. »
Il marque une pause, puis lâche dans un souffle moqueur :
« Et maintenant… place au véritable cauchemar. »
Un nouveau rire dément éclate, plus fort, plus profond, résonnant comme une cloche funèbre à travers les ruines.
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